Si on était d’Axelle Lenoir
Si on était un blogue littéraire
Après L’Esprit du camp tomes 1 et 2, honorés dans la liste préliminaire du prix des libraires en 2018 et 2019, Axelle Lenoir (auparavant connue sous le nom Michel Falardeau) publie le premier volume de Si on était. La bande dessinée, d’abord publiée dans le magazine Curium, met en scène Marie et Nathalie, deux adolescentes et meilleures amies. La première est spontanée, positive, naïve et nulle en anglais, alors que la seconde est plus réfléchie, timide et intellectuelle. Parce que la vie d’ado comporte parfois des moments d’ennui, les deux adolescentes s’adonnent régulièrement à leur jeu préféré, « si on était ». Les règles sont simples : « une personne nomme un sujet – admettons « les fruits » – et les participants doivent ensuite s’imaginer ce qu’ils seraient en se soumettant aux contraintes du sujet ». C’est ainsi que s’amorce ce livre, comme une série de sketchs transformant les personnages en vikings, en agents doubles ou en superhéroïnes. Ces mises en scènes de quelques pages chacune sont toutefois entrecoupées d’extraits des journaux intimes de Marie et Nathalie, de listes (souvent absurdes) des choses qu’elles aiment ou détestent le plus, lesquelles forment une histoire tout aussi divertissante et permettent de dessiner les personnalités très distinctes des deux jeunes filles.
Au fil de la lecture, le jeu laisse rapidement la place à une histoire plus complexe. Derrière son apparente confiance et nonchalance, Nathalie tient un secret important qu’elle est trop timide pour dévoiler, alors que Marie tente tant bien que mal de l’aider à sortir de sa coquille. Mais les deux adolescentes sont-elles réellement prêtes à laisser entrer une nouvelle personne dans leur monde de supposition? Les illustrations rappellent immanquablement celles de L’Esprit du camp, même si Axelle Lenoir s’amuse parfois à changer de style pour satisfaire la créativité de ses personnages. Par exemple, dans le passage sur le comic strip, on explique (et on illustre) que les personnages sont plus petits, ou dans les différents « si on était… dans Harry Potter », les illustrations sont moins soignées. La singularité de l’histoire, la diversité des thèmes et des personnages, ainsi que l’originalité des illustrations font partie des forces de cette bande dessinée qui, sous l’absurdité des mises en scène, cache un récit sensible et inattendu.
Bien que très humoristique, cette bande dessinée aborde plusieurs thèmes complexes avec sincérité, tels les apparences et les préjugés, l’identité sexuelle et de genre, la quête d’amour et l’amitié. Parce que « lesbienne » ne fait pas partie des mots préférés de Nathalie et que la solitude n’est pas le « si on était » le plus palpitant selon Marie, le jeu permet assurément à aux jeunes filles de se mettre dans la peau de n’importe qui, mais elles retombent inévitablement sur terre et pour redevenir de simples adolescentes.
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Bandes dessinées, Les chroniques de Mélissa, Suggestions de lecture