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Lovecraft et Providence

9782809436365
Providence, tome 1 : La peur qui rôde | Panini Comics

Lovecraft et Providence

9782809436365H.P. Lovecraft, qui aurait eu 126 ans le 20 août dernier, est l’auteur d’une œuvre qui, à la fois par son originalité, sa cohérence thématique et la mythologie qu’elle crée, ne cesse de fasciner une légion grandissante de fans. Il est presque ironique de dire qu’il est l’idole d’un culte livresque!

Par-delà l’œuvre maîtresse et la pléthore de pastiches qui existent depuis le vivant de Lovecraft, une des dernières tentatives de raviver le culte est celle livrée par le génial scénariste Alan Moore et le dessinateur Jacen Burrows. La maison d’édition Panini Comics a entrepris, pour notre plus grand bonheur, la traduction de leur série Providence, une bande dessinée qui se veut à la fois hommage et approfondissement du corpus lovecraftien.

L’action du premier tome, intitulé La peur qui rôde, débute à New-York en 1919. Un jeune et ambitieux journaliste, Robert Black (hommage à Robert Block, lui-même dans sa jeunesse pasticheur de Lovecraft et auteur du célèbre Psycho), part en quête d’un ouvrage mystérieux sur l’Alchimie et autres savoirs interdits. Sa quête le mènera sur les routes rurales de la Nouvelle-Angleterre de l’époque où il y croisera des savants imbus d’un savoir ancestral, les habitants décadents d’une petite ville portuaire en décrépitude, une étrange famille d’agriculteurs. Plus que toute autre chose, le jeune Black (quel nom prédestiné!) part à sa propre rencontre et à celle de ses démons intérieurs.

Alan Moore maîtrise parfaitement la matière lovecraftienne et la véritable histoire de son auteur. Les fans de l’œuvre ne pourront que s’enthousiasmer à chaque rencontre que fait Robert Black : elles représentent ni plus ni moins un catalogue des personnages de l’œuvre de Lovecraft. Le lecteur qui aura eu l’occasion de pousser plus loin sa découverte des romans qui ont marqués Lovecraft lui-même (par exemple, s’ils ont eu la chance de lire Le Roi en jaune de Robert W. Chambers ou encore Le Grand dieu Pan d’Arthur Machen) prendra plaisir à déceler les fines intertextualités mises en scène par Alan Moore. Du coup, cela contribue à donner une certaine ampleur à la matière des romans fantastiques du début du XXe siècle. Habituelle signature de Moore, les chapitres sont entrecoupés de divers documents écrits, issus de l’univers même du récit : extraits de journaux intimes, traités scientifiques, etc. Loin d’alourdir l’ensemble, ces textes approfondissent des aspects inusités de l’histoire.

Vous aimez prendre le temps de lire une bande dessinée fantastique aux thèmes adultes, mais n’avez jamais lu Lovecraft? Qu’à cela ne tienne! Le scénario d’Alan Moore est d’une grande finesse et ne nécessite pas du tout la connaissance des canons lovecraftiens : vous bénéficierez alors des plaisirs incomparables que l’on ressent à la lecture d’une intrigue étouffante et bien menée. Le dessinateur Jacen Burrows donne à l’ensemble le vernis d’une grande œuvre visuelle par son dessin minutieux et très détaillé : à n’en point douter, c’est là le fruit d’une attentive recherche documentaire de la part de l’artiste.

Le début d’un autre chef-d’œuvre d’Alan Moore dont le deuxième tome doit paraître bientôt.

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