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Pardon aux Iroquois

Ce qu’il en a pensé

Un grand classique, dit-on, c’est une œuvre dont on fait parfois l’éloge sans l’avoir lu. « Pardon aux Iroquois » (éd. 1960), d’Edmund Wilson (1895-1972) est de ceux-là, même si c’est un livre qu’il faut avoir lu deux fois plutôt qu’une dans une vie. Ce qui fait le classique n’est pas niché dans le fond de ce qui est écrit, mais dans la résonance avec le présent que produit chaque relecture. Le plaidoyer d’Edmund Wilson en faveur des droits des autochtones et de leurs manières d’existence vient d’être réédité chez Lux éditeur dans la collection Mémoire des Amériques. Une lecture urgente ! Car il n’est jamais trop tôt ni tard pour lire un classique !

 À la recherche du territoire perdu des Iroquois, le déclic lui est venu d’une piqûre de rappel de l’histoire. Héritier d’une propriété familiale, dans l’État de New York, empiétant sur le territoire iroquois, Edmund Wilson se convertit de la cause autochtone. Ce livre est le récit de cette conversion qui s’accompagne d’un aveu de méconnaissance totale de ces peuples qui vivent dans « un monde aussi différent des États-Unis que l’est n’importe quel pays étranger ». Ils étaient l’intime visage de l’altérité, une altérité à la fois proche mais lointaine.

 Soudain la géographie du continent s’étincelle de la présence de ces peuples invisibles surgissant de l’angle mort des romans de fondations nationales des Etats-Unis et du Canada. La carte de l’Amérique du Nord s’éclate en pays aux frontières évasives. Abritant des peuples sans Etats et effacés de l’Histoire, mais essayant difficilement de persister comme des nations sans territoires. Edmund Wilson prête sa plume et donne la voix à des personnages haut en couleurs comme le chef mohawk dénommé Standing Arrow. Ce faisant, il éclaire l’histoire singulièrement féconde de ces peuples autochtones – dont la Confédération iroquoise. Cette dernière est exemplaire à plusieurs titres. Elle occupait un territoire, cédé par traité en 1784, sous le nom des Six Nations – comprenant les Mohawk, les Seneca, les Onondaga, les Oneida, les Cayuga, et les Tuscarora – qui s’étendait presque de Buffalo jusqu’à Albany sur une profondeur d’environ 90 kilomètres (p. 44-45). « La Confédération iroquoise est, clame le chef mohawk, la seule nation indienne sur le nouveau continent qui n’ait jamais été conquise, et la seule reconnue en tant que gouvernement souverain, disposant de ses biens en toute propriété. » (p. 49) Standing Arrow rajoute que Benjamin Franklin avait été influencé par l’exemple de la Confédération dans son projet d’unification des colonies américaines. « Je découvris, souligne Edmund Wilson, que les Iroquois ont toujours tiré gloire du fait, à leurs yeux pleinement avérés, que notre Constitution écrite, avec son pouvoir fédéral que pondèrent les droits des Etats, dérive de leur Constitution non écrite, avec ses six unités semi-autonomes et son Grand Conseil où elles sont toutes représentées. » (p. 50)

Le « pardon » d’Edmund Wilson ne relève pas du prétendu sanglot de l’homme blanc, mais d’un effort de dévisager le soleil noir d’un passé heurté pour baliser la voie d’un avenir apaisé. Il aura posé les jalons d’une « renaissance iroquoise » qui illumine le réveil autochtone contemporain.

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