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La note américaine de David Grann

9782211232890
Grann, David – La note américaine | Éditions Globe

 

couvertureLa rumeur court dans le monde du cinéma que Martin Scorsese adapterait le livre de David Grann au grand écran. Pas étonnant que La note américaine soit dans la mire d’un réalisateur de cette envergure : l’enquête est fascinante, assez corsée pour créer un suspense efficace, et les individus qui en peuplent les pages ont les motivations monstrueuses dignes des plus vils personnages. Ajoutez à cela qu’il s’agit d’un fait vécu : voilà de bons ingrédients pour un film (et un livre) absolument remarquable.

La note américaine raconte un pan oublié de l’histoire des États-Unis, une chronique sanglante où la plus puissante des cupidités réveille chez les hommes des envies de meurtre. Grann nous transporte au tournant du XXe siècle, alors que le peuple amérindien Osage, par deux fois délocalisé par le gouvernement américain, se voit octroyer une terre qui semblait d’abord sans attrait, mais qui s’avère un des plus gros gisements de pétrole du pays. En quelques années, les Osages deviennent millionnaires, ce qui – évidemment – ne fait pas l’affaire de tous.

Suite à un décret absolument injuste, le gouvernement tente de moduler les dépenses outrancières des Osages et les oblige à avoir un tuteur, généralement blanc, pour gérer leurs finances. Plusieurs opportunistes y voient un moyen de se remplir les poches. Les mariages d’argent abondent, des amitiés manipulatrices se créent, et les escrocs n’hésitent pas à vendre aux Amérindiens biens et services à des prix exorbitants, puisqu’ils ont les moyens de payer. Par la force des choses, c’est aussi à ce moment que commencent les disparitions de riches Osages. En quelques années, on comptabilise officiellement plus d’une vingtaine d’assassinats reliés à l’argent. Selon l’enquête de David Grann, il s’agirait plutôt d’une centaine…

La note américaine fait ainsi le récit des déménagements des Osages, de leur découverte pétrolifère et de toutes les iniquités qui s’en suivent. Grann expose ensuite les premiers meurtres, les suspects initiaux, les investigations et les procès qui piétinent. À cette époque, les autorités policières n’étaient que des civils élus par la communauté. Ils n’avaient aucune formation pour mener à bien des enquêtes aussi imposantes, les médecins légistes n’étaient pas plus qualifiés. Or, le laxiste et l’inévitable corruption que cela entraîne aura au moins eu de bon la création de vraies forces publiques. C’est en partie en raison de ces meurtres, longtemps irrésolus, qu’on mesure toute l’importance d’une structure officielle et que le FBI prend véritablement son essor. La note américaine, c’est effectivement aussi les débuts de cette vaste organisation, à la tête de laquelle trône un J. Edgar Hoover avide de pouvoir.

Journaliste pour le New Yorker, David Grann effectue dans La note américaine un travail de recherche rigoureux, bien documenté. Son récit suit l’ordre chronologique des évènements, mais aussi celui de sa propre investigation, qui s’adapte à des détours rythmés par ses fouilles dans les archives et par ses entrevues avec les héritiers de ce que la postérité a nommé un autre « règne de la terreur ». Agrémenté de plusieurs photographies grâce auxquelles les victimes et les coupables ont un visage, le livre est un parfait exemple de ces cas où la réalité dépasse la fiction. Le tout donne une œuvre qui tour à tour écœure, pétrifie, éblouit, un récit d’autant plus surprenant, horrifiant et touchant qu’il est véridique. Moonshine empoisonné, tirs à bout portant, explosions, trahisons à faire frémir, surtout… toute l’ampleur du génie du mal dont l’homme peut se rendre coupable au nom de la richesse.

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