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Les chroniques de Virginie

  • Enfanter de nous

    L’année dernière, avec Ce qu’on respire sur Tatouine et Ouvrir son coeur, je découvrais des voix d’une vibrante honnêteté. Des voix qui ne sacrifient rien au profit d’une phrase plus belle, qui cherchent plutôt le vrai et l’authentique. Nouvelle et déjà du lot, celle d’Émilie Choquet relate dans ce premier récit un sombre épisode de dépression post-partum.

  • Né d’aucune femme de Franck Bouysse

    Cette voix m’a rappelé celle de grands auteurs américains, dont certains figurent parmi les incontournables de la bibliothèque de Franck Bouysse lui-même. Faulkner surtout, pour cette capacité à ne dévoiler que l’essentiel, et Steinbeck, dans toute son humanité. Gabriel Tallent aussi, et le caractère froidement obsédant de My Absolute Darling.

  • La renarde et le mal peigné de Pauline Julien et Gérald Godin

    D’abord, le syndrome du voyeur nous prend : vais-je réellement faire intrusion au coeur d’une telle intimité, m’immiscer ainsi dans les coulisses de la vie commune de ces deux personnalités publiques? S’arrêter à cet inconfort reviendrait toutefois à négliger l’aspect littéraire de ces lettres, la profondeur des réflexions sur l’amour et sur l’écriture qu’elles entrainent. On s’abandonne peu à peu à leur lecture pour réaliser que la relation qu’entretiennent les deux artistes est un projet tout aussi prenant et important que la carrière musicale de Pauline ou l’engagement politique de Gérald.

  • Poésie nature

    Le Mois de la Poésie bat son plein et l’occasion est trop belle pour ne pas vous parler de deux recueils particulièrement fameux. Le premier, Expo habitat de Marie-Hélène Voyer, se retrouve d’ailleurs parmi les finalistes du Prix des Libraires 2019 dans la catégorie poésie. Publié par la maison des grands espaces (La Peuplade), il fait du territoire le socle de nos existences. Pour sa part, L’Oie de Cravan offre, avec Chansons transparentes de Jonas Fortier, un petit ovni littéraire qui, il y a fort à parier, vieillira en beauté.

  • cover

    Nick Cave, Mercy on me de Reinhard Kleist

    Honoré plusieurs fois pour son travail, Reinhard Kleist s’est taillé ces dernières années une place de choix sur la scène de la bande-dessinée allemande. Feuilletez son dernier album et vous constaterez de toute évidence pourquoi. Le portrait, dans la maîtrise du trait, est troublant: cheveux électriques, joues maigres, nez arqué, sourcils froncés et des lèvres molles qui traduisent l’insatisfaction, l’écoeurement. Après Johnny Cash et Fidel Castro, Kleist a vraisemblablement choisi un sujet au physique atypique…

  • L’imparfaite amitié de Mylène Bouchard

    Le roman offre l’incursion dans l’intimité d’une femme, celle qui se voit un soir dans les yeux de sa fille et pour qui la transmission de son expérience devient alors un impératif. En résulte cette correspondance-confidence d’une mère pour sa fille, qui donne à appréhender le parcours de la femme libre et amoureuse qu’elle a été et qu’elle cherche à être encore. Le geste de l’écriture devient catharsis et permet à celle-ci de faire le point sur ses émois passés, ses pulsions, ses détours, ses rencontres heureuses et ses coups de gueule. S’ajoutent aux lettres, empreintes d’une délicate féminité, des parenthèses poétiques ou essayistiques, des listes ou encore des « tableaux typographiques », qui amènent la réflexion à déborder le cadre plus traditionnel du roman.

  • Encabanée par Gabrielle Filteau-Chiba

    Après avoir refermé le roman d’Anne Hébert, Gabrielle Filteau-Chiba rapatrie ses crayons, respire un grand coup et prend une décision irrévocable : quitter Montréal. Quitter la ville, la morosité, les files indiennes, les soucis d’apparence et de performance. Partir loin, creux dans le bois, dans un camp forestier de Kamouraska. S’encabaner.

  • «3 fois dès l’aube» de Lapière/Samama

    Denis Lapière et Aude Samama n’en sont pas à leur première collaboration. Après avoir rendu hommage au roman de Jack London (Martin Eden, Futuropolis, 2016), le scénariste et l’illustratrice choisissent d’adapter Trois fois dès l’aube, un roman d’Alessandro Baricco paru chez Gallimard en 2015i. L’album qui en résulte se dévore, peut-être encore davantage que le roman lui-même – qu’il n’est, soit dit en passant, pas nécessaire d’avoir lu pour apprécier à sa juste valeur l’histoire qui est mise ici magnifiquement en images.

  • Au pays des choses dernières : le voyage d’Anna Blume de Paul Auster

    L’intrigue du roman repose sur la quête d’Anna Blume, jeune fille de 19 ans qui part à la recherche de son frère William, envoyé plus tôt dans une ville lointaine en tant que journaliste et qui ne donne plus de signe de vie depuis des mois. Après un long voyage, lorsqu’elle parvient jusqu’à la ville en question, celle-ci ne ressemble en rien à ce qu’elle avait imaginé. Anna découvre un paysage de pierres et de ruines où règnent la violence, la misère et la mort. La ville l’emprisonne dans ses griffes et elle doit trouver le moyen d’y survivre. Ceci dit, le contexte apocalyptique est traité par Paul Auster avec originalité. Pas de surabondance d’événements destructeurs ni de combats démoniaques : l’auteur joue plutôt avec la précarité du monde et sa disparition – à l’origine, le roman porte le titre The Country of Last Things. Les objets disparaissent d’abord littéralement, puis c’est au tour des mots qui les désignaient de tomber dans l’oubli; la mémoire et le langage s’érodent eux aussi.

  • J’aime Hydro, de Christine Beaulieu

    En novembre 2014, Anabel Soutar, directrice artistique de la compagnie de théâtre documentaire Porte Parole, rencontre sa collègue Christine Beaulieu dans un café montréalais pour lui faire part de sa consternation : Hydro-Québec refuse de participer à une discussion sur la santé des rivières du Québec. Il semble que le sujet soit devenu trop sensible, en raison entre autres du discours des militants de la Fondation Rivières qui remet en doute les barrages hydroélectriques, pour qu’on ose se prononcer publiquement. Pour Anabel, ce silence est à la fois une aberrance et une occasion : il est grand temps de questionner la relation entre les Québécois, maîtres chez eux, et Hydro-Québec. En novembre 2014, dans un café montréalais, Anabel lance à Christine le défi d’engager ce dialogue impossible.