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Un Occident kidnappé ou La tragédie de l’Europe centrale

Ce qu’il en a pensé

À l’heure où les chars russes ont franchi la frontière est de l’Ukraine et que l’ombre de la guerre s’étend à nouveau sur cette partie de l’Europe, il est plus que jamais impérieux de (re)lire UN OCCIDENT KIDNAPPÉ OU LA TRAGÉDIE DE L’EUROPE CENTRALE (Gallimard, rééd. 2021) de Milan Kundera. Ce texte – qui date de 1983 – conserve intacte son acuité sur le destin des « petites nations ». Une petite nation, écrivait-il alors, est celle dont « l’existence peut être à n’importe quel moment mise en question, qui peut disparaître, et qui le sait. » (p. 63) Pourquoi lire cet écrivain particulier par ces gros temps ? D’abord, pour résister. Résister au conformisme du registre épique de Guerre et Paix sous lequel on range par facilité les conflits contemporains. Résister au choc des grands personnages, ambitions, intérêts, stratégies, etc. Ensuite, pour réfléchir. Réfléchir à la tragédie des petites nations ballotées par les vents de l’Histoire. Celles qu’on envahit, qu’on annexe et qu’on se partage comme un gâteau. Voilà ce que peut encore (et toujours) la littérature. Elle est passion du détail et probité de l’insignifiant. La supériorité du regard de Milan Kundera consiste à nous prendre par les sentiments, à nous faire accéder au ressenti sincère des vaincus plutôt qu’aux triomphes sans gloire des vainqueurs.

Pendant que tout nous presse de succomber à la fascination de cet énième épisode de la gigantomachie russo-américaine – ce travers de géopolitologues de plateaux de télévisons et autres experts des Relations internationales, Milan Kundera nous somme de nous hisser à la hauteur des peuples que leurs bottes écrasent. Cette histoire souterraine est assurément plus digne d’intérêt que de celle ennuyeuse des puissants qui oscille entre Grandeur et Décadence.

Radjoul Mouhamadou

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